« Bongoville : la bataille des dames, symbole d’un Gabon entre héritage et renouveau »

Bongoville, le nouveau champ de bataille politique du Haut-Ogooué

Dans la province du Haut-Ogooué, fief historique du Parti Démocratique Gabonais (PDG), une bataille électorale d’une rare intensité se joue entre deux femmes : Bassalila épouse Olende du PDG (34%), et Armelle Doumalewa épouse Yembi Yembi de l’Union des Bâtisseurs (UDB, 42%).

Au-delà des chiffres, cette confrontation politique traduit la fracture profonde qui traverse le Gabon depuis la transition enclenchée le 30 août 2023, date marquant la fin de 56 années de règne sans partage de la famille Bongo.

D’un côté, Bassalila, petite-fille d’Omar Bongo et cousine germaine de Malika Bongo, porte le flambeau du PDG et défend la continuité. De l’autre, Armelle Doumalewa, sénatrice de la transition et intellectuelle engagée, incarne la rupture et l’aspiration à un nouvel élan national.

Un pays en pleine mutation politique

Depuis son arrivée au pouvoir, le Président Brice Clotaire Oligui Nguema a engagé une vaste reconfiguration du paysage politique gabonais.

Porté par un élan populaire inédit, il a bâti son propre parti, l’Union des Bâtisseurs (UDB), fondé le 5 juillet 2025, sur la promesse de bâtir un Gabon nouveau, débarrassé des logiques de rente et de clan.

Sa victoire écrasante à la présidentielle de 2025 (94%) a confirmé la soif de changement des Gabonais.

Face à cette dynamique, le PDG, jadis machine électorale toute-puissante, peine à se réinventer. Défections, luttes internes et perte de repères ont fragilisé le parti.

Et Bongoville, berceau politique du clan Bongo, est devenu le théâtre de cette déchirure entre fidélité à la dynastie et adhésion au renouveau.

Bassalila épouse Olende : la candidate de la nostalgie

À Bongoville, Bassalila épouse Olende se présente comme la gardienne de l’héritage Bongo. Son discours repose sur un mot d’ordre clair : « Tout le monde à Bongoville doit être au PDG ».

Elle en appelle à la reconnaissance éternelle envers Omar Bongo, figure tutélaire du Haut-Ogooué.

Mais cette rhétorique d’un autre temps divise. Plusieurs cadres du PDG, gênés par une approche jugée clanique et passéiste, estiment qu’elle ne correspond plus à la réalité politique actuelle.

Son profil controversé, marqué par des lacunes de communication et un parcours académique contesté, alimente les critiques.

Malgré le soutien appuyé de Pascaline et Malika Bongo, la candidate peine à susciter l’adhésion populaire.

Cependant, elle bénéficie du soutien financier et logistique de plusieurs hauts cadres restés fidèles à l’ancien régime :

Anatole Kabounou, SG au ministère des Transports

Serge Ruffin Okana, SG au ministère de l’Agriculture

John Peter Avouya, ancien sénateur

Junior Bongo Ondimba, soutien financier présumé

Pour ces figures, l’enjeu dépasse Bongoville : il s’agit de préserver une influence symbolique face à la montée en puissance du camp Oligui.

Armelle Doumalewa : la candidate du renouveau

En face, Armelle Doumalewa épouse Yembi Yembi apparaît comme la figure du renouveau.

Philosophe de formation, ancienne vice-présidente de l’ADERE et militante de la société civile, elle s’est forgée une réputation d’écoute et de proximité.

Sénatrice durant la transition, elle a œuvré pour le bien-être social et la transparence locale, séduisant un électorat fatigué des privilèges héréditaires.

Sa campagne, simple mais structurée, s’appuie sur un programme clair : éducation, emploi, santé et autonomie locale.

Elle compte parmi ses soutiens :

Dieudonné Founga, Chef de cabinet du Président de la République

Hugues Modeste Odjangou, DG des Douanes

Martin Boguikouma, DG de l’OPRAG

Et même d’anciens cadres du PDG, désormais ralliés à l’UDB

Ce large soutien illustre l’ampleur du réalignement politique en cours au Gabon, où de nombreux anciens du PDG choisissent de suivre la dynamique impulsée par Oligui Nguema.

Deux visions, deux discours : gratitude ou liberté ?

Le duel de Bongoville cristallise un affrontement idéologique :

Le PDG plaide la reconnaissance envers la famille Bongo et met en garde contre « l’ingratitude ».

L’UDB, au contraire, défend la liberté de choix, le changement et la responsabilité citoyenne.

Pour beaucoup d’habitants, la rhétorique de Bassalila relève de la culpabilisation électorale, tandis que celle de Doumalewa incarne un souffle d’émancipation politique.

Un scrutin symbole d’une nation à la croisée des chemins

Ce duel féminin dépasse le cadre local.

Il symbolise l’affrontement entre deux Gabons :

Celui d’hier, attaché à la dynastie Bongo et à la centralisation du pouvoir ;

Et celui de demain, engagé dans la construction d’un État rénové, ouvert et participatif.

L’élection de Bongoville, fief historique des Bongo, représente un test majeur pour la solidité du projet d’Oligui Nguema et l’enracinement de l’UDB.

Quoi qu’il en soit, le Gabon de 2025 n’est plus celui d’avant.

Et à Bongoville, la voix des urnes dira si la mémoire d’un passé glorifié peut encore résister à la force tranquille du renouveau.

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