Depuis le 10 janvier 2025, les parlementaires de la transition au Gabon ont été convoqués en session extraordinaire pour une durée de dix jours. Au cœur de cette session, un projet de loi organique portant sur le nouveau code électoral du pays. Ce texte, qui a pour objectif d’encadrer les élections prévues pour la fin de la transition en août prochain, a été rédigé par un groupe d’experts nommé par le président de la transition. Le projet, d’une importance capitale pour l’avenir politique du pays, fait l’objet de débats et suscite diverses interrogations au sein du Parlement.
Un projet de loi fondamental pour la suite de la transition
Le nouveau code électoral est l’un des instruments majeurs de la transition politique qui a été lancée après le coup d’État du 30 août 2023, qui a renversé Ali Bongo Ondimba. Le projet de loi a été rédigé par un groupe d’experts sous la direction de Murielle Minkoué, ministre de la Réforme des institutions. Ce projet de texte doit non seulement encadrer les élections générales de fin de transition prévues au plus tard en août 2025, mais aussi garantir un cadre électoral transparent et démocratique. C’est donc un texte stratégique pour la démocratie gabonaise, dont l’adoption devrait permettre de restaurer la confiance dans le système électoral, mis à mal depuis plusieurs années.
Des défis de taille pour les parlementaires
Cependant, les parlementaires se retrouvent confrontés à un défi de taille : examiner, amender et adopter ce texte complexe en seulement dix jours. Le projet de loi est constitué de 383 articles, répartis en quatre livres, 18 titres et 58 chapitres, un volume qui interpelle de nombreux députés et sénateurs. Ce délai extrêmement court soulève des questions sur la capacité des parlementaires à mener un examen approfondi du texte, à en débattre et à proposer des amendements qui garantissent une véritable amélioration du cadre légal.
Certains élus se demandent si cette session extraordinaire ne se transformera pas en une simple formalité, un « enregistrement » d’un projet de loi déjà ficelé, sans véritable débat démocratique. En effet, la gestion rapide de ce projet pourrait être perçue comme une manière de faire avancer la transition sans permettre aux parlementaires d’exercer leur rôle législatif de manière optimale.
Un texte aux enjeux décisifs
Le projet de loi organique prévoit plusieurs évolutions significatives du cadre légal existant. Parmi les mesures phares, on note la création d’une nouvelle autorité indépendante, l’Autorité de contrôle et de supervision des élections et du référendum (ACSE), qui aura pour mission de superviser le bon déroulement des élections. Ce dispositif vise à garantir des élections « libres, transparentes et démocratiques ». L’ACSE sera composée de personnalités « impartiales et compétentes », mais sa fonction non-permanente soulève des interrogations sur son indépendance réelle, notamment en comparaison avec l’ancien Centre Gabonais des Élections (CGE), que le gouvernement de la transition jugeait non indépendant.
Le projet prévoit également des quotas obligatoires dans les listes de candidats, avec au moins 30 % de femmes et 20 % de jeunes. Cela fait partie des mesures destinées à promouvoir une plus grande inclusion et diversité dans le processus électoral. Par ailleurs, des mécanismes sont mis en place pour garantir l’accès équitable des candidats aux médias publics, tout en plafonnant et en contrôlant les dépenses de campagne.
Le projet vise également à renforcer la fiabilité du fichier électoral biométrique, un enjeu crucial pour éviter les fraudes et garantir l’intégrité des élections. Ces mesures, qui touchent à la fois l’organisation matérielle des élections et à la répartition des rôles, reflètent un désir de moderniser le processus électoral et d’en faire un exercice plus inclusif et plus respectueux des principes démocratiques.
La révision de la liste électorale : un timing serré
Un autre point important de la transition est la révision de la liste électorale. Selon le chronogramme de la transition, cette révision devait se faire de janvier à mi-mars 2025. Cependant, le processus a démarré plus tôt, avec une révision qui a commencé le 2 janvier et qui doit se terminer à la fin du mois. La révision de la liste électorale, qui est essentielle pour assurer la fiabilité des élections, s’effectue donc dans un cadre temporel très contraint.
L’objectif de cette révision est d’assurer que tous les électeurs inscrits dans le fichier électoral sont bien éligibles, et que celui-ci soit mis à jour en fonction des modifications de population et des différentes mutations intervenues depuis les dernières élections. L’enjeu est double : d’une part, il s’agit de garantir la crédibilité du processus électoral, et d’autre part, de permettre à tous les citoyens gabonais remplissant les critères d’être inscrits et de pouvoir participer aux élections de la fin de la transition.
L’opposition et les craintes d’une manipulation du processus
Ce projet de code électoral, bien qu’il ait été salué pour ses avancées en matière de transparence et d’inclusivité, suscite également des critiques, notamment au sein de l’opposition. Lors du référendum constitutionnel de novembre 2024, le ministère de l’Intérieur, chargé de l’organisation des élections, avait déjà été vivement critiqué par l’opposition, qui le soupçonnait de vouloir manipuler le processus électoral en sa faveur. L’opposition est donc particulièrement vigilante à l’égard de l’ACSE et de la nouvelle structure de supervision des élections, qu’elle craint d’être insuffisamment indépendante pour garantir un scrutin juste et transparent.
En outre, certains parlementaires d’opposition remettent en cause la rapidité avec laquelle ce code électoral doit être adopté, arguant qu’il est impossible d’en faire un véritable objet de débat démocratique dans un délai aussi court. « Un texte aussi fondamental pour l’avenir du pays mérite un temps de réflexion et de débat, pas seulement une session accélérée où l’on se contenterait d’enregistrer des décisions prises ailleurs », a déclaré un député de l’opposition.
Les défis de la transition : réussir à construire une démocratie
La situation au Gabon, après le coup d’État d’août 2023, a placé le pays sur une trajectoire incertaine. L’objectif est de mettre en place des bases solides pour un retour à la démocratie, à travers des élections transparentes et inclusives. Le code électoral est donc l’un des instruments clés pour atteindre cet objectif. Toutefois, sa mise en place rapide, dans un climat politique encore tendu, représente un véritable défi pour le gouvernement de la transition.
Les parlementaires se retrouvent dans une position délicate : d’un côté, il est impératif de respecter les délais imposés pour permettre des élections dans le temps imparti, et de l’autre, il est crucial de s’assurer que le texte adopté soit véritablement à la hauteur des attentes des Gabonais et qu’il permette de restaurer la confiance dans les institutions électorales du pays.
Conclusion
Le projet de loi organique portant sur le nouveau code électoral du Gabon est une étape décisive dans le processus de transition politique du pays. Si certains éléments du texte laissent entrevoir des avancées importantes, notamment en matière d’inclusivité et de transparence, la question du temps imparti pour son examen par les parlementaires reste une source de préoccupation. Dans un contexte où les défis sont nombreux, il est essentiel que ce texte fasse l’objet d’un débat démocratique complet, afin d’assurer aux Gabonais des élections réellement libres et transparentes, capables de restaurer leur confiance dans le processus électoral.
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