Brice Clotaire Oligui Nguema, élu démocratiquement le 12 avril dernier , incarne une promesse rare en Afrique centrale : celle d’un homme d’État au profil citoyen particulier, enraciné dans les valeurs d’écoute, de diversité et des responsabilités. Depuis son accession à la magistrature suprême, il n’a eu de cesse de prouver son attachement à une gouvernance républicaine, loin des postures autoritaires et claniques qui ont longtemps érodé les fondements de notre jeune démocratie gabonaise.
Mais voilà que le vent du changement, ce vent que lui-même a si courageusement levé le 30 Août 2023, se heurte aujourd’hui à un écueil de taille : la composition du tout nouveau parti présidentiel, l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB). Une formation appelée à devenir l’épicentre du projet républicain qu’il entend bâtir 7 années durant. Et pourtant, dans ce berceau d’espérances naissantes, résonnent encore les noms et visages d’hier, ceux-là mêmes qui ont contribué à la lente mais sûre déchéance des valeurs de la République.
Car il y a un paradoxe criant, presque douloureux, à voir les anciens dignitaires du régime déchu architectes d’un système marqué par la patrimonialisation de l’État, les détournements massifs de fonds publics et l’appauvrissement généralisé des masses, s’inviter sans honte ni contrition au sein d’un parti qui entend porter l’ambition du renouveau national. Ce sont les mêmes qui ont conçu et renforcé une République des pères et des fils, des mères et des filles, des frères et des sœurs, érigeant les patronymes en passeports pour les hautes fonctions, reléguant les mérites et le talent au rang de curiosités inutiles.
Ils n’ont pas changé. Ils n’ont ni idées politiques, ni vision d’avenir. Ils n’ont qu’un goût immodéré pour les lambris dorés du pouvoir, pour les privilèges qu’offre l’administration et le confort moelleux des cabinets ministériels. Ce sont des transhumants politiques : ils avancent masqués comme la cinquième colonne espagnole, mais leur dessein reste inchangé. Ils ne viennent pas bâtir, ils viennent s’offrir une seconde vie politique, sans jamais faire le procès de leur propre passé. Ils peuvent toujours mordre la République.
Si le Chef de l’État veut maintenir la confiance du peuple gabonais, cette confiance patiemment construite, au fil de ses discours sincères, de ses gestes d’écoute, de son refus du clanisme, il ne peut tolérer l’ambiguïté. Il ne peut laisser à son parti l’allure d’une arche de recyclage pour élites déchues, l’UDB ne sera pas un ciel pour les anges déchus.
Son parti doit être le havre d’unité politique qu’il a lui-même incarné. Un lieu où l’on vient au nom d’une idée de la République, non au nom d’une dette clanique ou d’une appartenance provinciale. L’UDB doit incarner cette cinquième République que les Gabonais appellent de leurs vœux : une République pour tous, y compris pour les fils de prolétaires, les enfants du paysan et de la vendeuse à l’étalage, les oubliés de la République d’hier. Oui c’est cela l’édifice nouveau auquel tous nous rêvons, un pays sans exclusif.
À quelques heures des élections législatives et locales, le moment est crucial. Il est temps de faire table rase. Il faut mettre en avant des femmes et des hommes de conviction, enracinés dans le réel, connectés aux attentes du peuple. Des hommes comme Jonathan ou Bertrand, capables de parler au Nord comme au Sud, sans porter les stigmates d’un passé partisan. Des esprits indépendants comme Jean-Marie Maguena, qui n’ont jamais cédé à l’appel des chapelles politiques, mais dont l’intégrité intellectuelle est une boussole pour la nation. Des républicains sincères comme l’honorable Libama, qui acceptent le débat, l’opposition, la contradiction, sans glisser dans l’extrémisme ni la brutalité politique.
Car un pays, ce sont ses hommes et ses femmes qui rassemblent et non qui divisent. Ceux qui légifèrent, administrent, construisent. Ceux qui incarnent la République. Pas ceux qui se l’accaparent et la détruisent.
Et Brice Clotaire Oligui Nguema le sait. Il est cet homme rare, qui ne se laisse pas enfermer dans une ethnie, une région, un clan. Il est du Sud comme du Nord, de l’Est comme de l’Ouest. Il est, par essence, un homme-Nation. Son devoir et son destin, est de faire de l’Union Démocratique des Bâtisseurs une caisse de résonance de la paix, de la cohésion, de l’unité. Il ne doit rien aux extrêmes, ni aux nostalgies claniques. Il doit tout à la République. Le seul héritage qui appartient à tous. Il est un de tous et pour tous.
Alors oui, le moment est venu. Il faut tourner la page des figures controversées. Balayer les illusions perdues des anciens dévoreurs publics. Exiger un renouvellement profond, y compris dans les écuries parlementaires. Ce sont les bâtisseurs de demain que le Gabon attend dans les hémicycles. Pas les gestionnaires du déclin d’hier.
La République ne peut plus être un héritage, elle doit devenir un projet. Et ce projet-là, seuls des hommes et des femmes nouveaux peuvent le porter.
PAR ROY ATIRET BIYE, journaliste politique.

