« Kongossa » : Quand le commérage devient un délit

Au Gabon, le « kongossa » désigne les ragots, potins ou commérages qui circulent souvent de manière informelle dans les quartiers populaires, les salons de coiffure, les taxis ou désormais sur les réseaux sociaux. Considéré comme une pratique culturelle intégrée au quotidien, le kongossa est souvent perçu comme un simple divertissement, un lien social, voire une forme d’expression familiale anodine.

Cependant, derrière ce phénomène largement ancré dans nos habitudes, se cache une réalité plus complexe. Car si la liberté d’expression est un droit fondamental protégé par la Constitution gabonaise et les conventions internationales, elle n’est pas sans limites. Ce droit légitime permet à chacun de s’exprimer librement, de critiquer, de débattre, d’informer. Mais il cesse là où commence le respect de la réputation, de l’honneur et de la vie privée d’autrui.

Donner son avis ne pose pas problème en soi. Le véritable enjeu survient lorsque l’opinion exprimée repose sur des faits non vérifiés, ou qu’elle a pour but de nuire à la réputation d’un tiers. Publier ou relayer une information erronée, ou commenter des affaires privées sans en être directement concerné, peut engager la responsabilité pénale de l’auteur. Dans notre ère numérique, où les propos sont instantanément diffusés, archivés et partagés à grande échelle, les conséquences sont amplifiées.

Ainsi, le kongossa, qui faisait jadis sourire, peut devenir un acte grave, susceptible d’être qualifié de diffamation, d’injure ou d’atteinte à la vie privée. Il franchit alors une ligne qui transforme un simple bavardage en infraction.

Face à cette situation, le cadre juridique gabonais invite à une prise de conscience collective. Il ne s’agit pas d’entraver la parole, mais d’encourager chacun à s’exprimer avec responsabilité. S’abstenir de commenter ce qui ne nous concerne pas n’est pas un signe de faiblesse, mais une preuve de maturité et de respect.

Aujourd’hui, journalistes comme citoyens, notamment les utilisateurs actifs des réseaux sociaux, doivent apprendre à mesurer leurs mots. Car dans un monde où les paroles laissent des traces indélébiles, un simple kongossa mal maîtrisé peut coûter bien plus qu’un malentendu : il peut coûter votre liberté.

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