Henri-Claude Oyima : Un cumul de pouvoir inédit qui interroge la transparence de la 5ᵉ République gabonaise

La nomination d’Henri-Claude Oyima au poste de ministre de l’Économie, des Finances, de la Dette et des Participations le 5 mai 2025 devait marquer un nouveau départ pour le Gabon. Pourtant, près de deux mois plus tard, l’ancien banquier conserve toujours ses fonctions de Président-Directeur Général de BGFIBank, créant une situation de conflit d’intérêts sans précédent dans l’histoire politique et économique du pays.

Henri-Claude Oyima, à la tête de BGFIBank depuis plus de quarante ans, se retrouve aujourd’hui à diriger un ministère stratégique tout en conservant son poste dans le secteur privé. BGFIBank a même confirmé par communiqué que l’institution restait « sous la supervision du PDG », c’est-à-dire Oyima lui-même. Cette situation place le ministre dans une position délicate où il se retrouve à réguler un secteur bancaire dont il dirige l’un des principaux acteurs.

Cette accumulation de fonctions soulève des questions fondamentales. Comment un ministre des Finances peut-il prendre des décisions impartiales sur la régulation bancaire, la dette publique ou les participations de l’État alors qu’il dirige lui-même une banque directement concernée par ces questions ? La situation est d’autant plus préoccupante que BGFIBank est un acteur clé dans le financement de l’État gabonais et intervient dans des secteurs où le ministère gère des participations publiques.

Plus grave encore, Oyima refuse de siéger dans les locaux du ministère, préférant administrer les affaires de l’État depuis ses bureaux de BGFIBank. Selon des sources proches de la présidence, il justifierait ce choix en qualifiant les locaux ministériels de « vétustes ». Cette attitude interroge sur sa véritable allégeance : sert-il l’État gabonais ou les intérêts de sa banque ?

Le président Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a pourtant promis une gouvernance transparente, se trouve face à un dilemme. La Constitution gabonaise interdit explicitement aux ministres de cumuler des fonctions incompatibles avec leur mandat. Les règles de la CEMAC imposent également des dispositions strictes contre les conflits d’intérêts dans le secteur bancaire. Pourtant, malgré les critiques, aucune mesure n’a été prise pour mettre fin à cette situation.

BGFIBank n’est pas une banque comme les autres. Historiquement liée aux familles Bongo et Sassou-Nguesso, elle a été impliquée dans plusieurs scandales financiers. Laisser Oyima aux commandes des deux institutions risque d’affaiblir la régulation bancaire, de décourager les investisseurs et de compromettre les réformes promises dans le cadre de la 5ᵉ République.

Henri-Claude Oyima incarne aujourd’hui tout ce que le nouveau pouvoir disait vouloir combattre : l’opacité, le mélange des genres et la primauté des intérêts privés sur l’intérêt général. L’inaction du président Oligui Nguema face à cette situation envoie un signal inquiétant sur la réalité des promesses de transparence et de rupture avec les pratiques du passé. Le Gabon mérite mieux qu’une simple reproduction des anciens schémas sous de nouveaux habits.

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